Corentin DURAND, chargé de recherche au CNRS au centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques, 18 novembre 2024
Depuis le tournant des années 2000, le droit pénitentiaire s’est développé, notamment avec la loi pénitentiaire votée en 2009. Le contrôle extérieur sur l’administration pénitentiaire s’est accru dans le même temps et a pris la forme, à l’intérieur des établissements, de procédures écrites, de possibilités de recours ou encore de la présence d’avocats lors des commissions de discipline.
La présentation s’appuie sur une recherche menée dans deux établissements pénitentiaires français portant sur les relations quotidiennes entre personnes détenues et agents. Ces échanges prennent ordinairement la forme de demandes, de récriminations et de revendications de la part des personnes détenues. Se nourrir, se divertir, gagner sa vie, se soigner, s’habiller, entretenir des relations amicales, amoureuses et sexuelles, autant d’activités de la vie quotidienne qui, derrière les murs, se heurtent aux conditions singulières de l’environnement carcéral. C’est en accordant ou en refusant ces demandes que le personnel pénitentiaire parvient à obtenir la coopération des personnes détenues au bon fonctionnement de l’établissement. Ces transactions matérielles quotidiennes sont les supports d’un travail relationnel par lequel les acteurs de la détention construisent, mettent à l’épreuve et stabilisent un langage commun, des repères normatifs et des attentes interpersonnelles. Comment ce qui a été essentiellement décrit comme des arrangements informels s’accommodent-ils de l’intrusion du droit en détention ?
A travers l’analyse des modalités pratiques d'expression et de traitement des requêtes des personnes détenues, il s’agit alors de rendre compte d’un phénomène encore mal décrit : la bureaucratisation croissante de l’administration pénitentiaire ainsi que ses effets sur l’ordre relationnel en détention et plus largement sur les transformations de la prison contemporaine.
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Cet atelier aura pour objectif de présenter l’approche du GLM et de discuter de la façon dont elle irrigue les pratiques d’intervention auprès des personnes placées sous main de justice au Québec. Une première partie exposera les fondements du GLM et discutera les distinctions et complémentarités qui existent entre cette approche et le modèle Risque-Besoin-Réceptivité (RBR). La désistance sera également abordée sous l’angle des concepts de « désistement du crime » et de « désistement assisté ».
Dans un second temps, sera présentée la façon dont cette approche a modifié les pratiques d’intervention au Québec, à partir de l’exemple concret du CRC Essor. En montrant comment les principes d’intervention qui guident le GLM ont été intégrés dans la pratique de l’organisme, seront discutés les avantages de cette approche, les défis rencontrés dans sa mise en œuvre et les retombées observées.
Plus largement, l’objectif de la présentation est d’offrir à l’auditoire la possibilité de s’initier à l’approche du GLM, tout en sensibilisant à la façon dont ce modèle a permis au CRC Essor de se rapprocher de ses visées humanistes.
Katerina Soulou, Enseignante-chercheure du CIRAP, membre du conseil d’administration du Forum européen pour la justice restaurative, 19 décembre 2023
Bien que la justice restaurative soit intégrée dans le cadre normatif français depuis 2014 et commence à être de plus en plus discutée en France, la réponse restaurative à la criminalité reste encore marginale dans le cadre de la politique criminelle française. La question qui se pose alors est de savoir si ce type de réaction à la criminalité présente un réel intérêt pour la justice criminelle et pour quelles raisons. Katerina Soulou a pu réfléchir sur cette problématique dans le cadre de sa thèse, intitulée La réponse restaurative à la criminalité. Regards internationaux et comparatifs entre la France et le Brésil, soutenue en 2022 à Aix-Marseille Université et récemment primée par l’association France-Amériques. Cet atelier sera animé par un membre du Cirap qui posera des questions ciblées à Katerina Soulou sur la première partie de sa thèse consacrée à la conceptualisation de la réponse restaurative à la criminalité. A travers cette discussion, Katerina Soulou proposera une réflexion innovante sur ce concept, en particulier sur son potentiel à influencer la manière dont on pense la punition dans des systèmes répressifs de culture juridique continentale.
Renseignements : magalie.cazanobes@justice.fr ; katerina.soulou@justice.fr
Nicolas Sallée, Professeur de sociologie à l’Université de Montréal, 03 juillet 2023
Cette conférence s’appuiera sur une enquête menée à Montréal (Québec, Canada) sur les mutations du traitement des jeunes délinquants depuis le milieu des années 1990, qui a donné à la parution récente du livre Sous la réhabilitation, le contrôle. La justice des mineurs au 21e siècle (Québec, PUQ, 2023). La justice des mineurs québécoise a cela d’instructif, y compris pour des agents dédiés au traitement de justiciables adultes, qu’elle constitue à plusieurs égards l’un des exemples-type d’une « justice actuarielle », telle qu’elle se déploie actuellement dans les pratiques professionnelles de la probation en France (usages d’outils standardisés d’évaluation des risques de récidive, prééminence croissante des thérapies cognitivo-comportementales, modèle RBR, etc.). Cette conférence visera à tirer des enseignements à la fois politiques, pratiques et professionnels de ce modèle controversé. D’un côté, je montrerai que ce modèle a participé d’une politique globale, et inspirante, de décarcération, visant à sortir des impasses d’une forme de paternalisme carcéral qui a marqué, à des degrés divers selon les pays, l’histoire des systèmes de justice des mineurs à travers le monde : si les jeunes étaient enfermés, c’était (supposément) pour leur propre bien. De l’autre, je montrerai qu’il accentue, auprès des jeunes les plus précarisés et les plus stigmatisés, une logique de contrôle qui met à l’épreuve la temporalité longue dans laquelle s’inscrivent les pratiques d’accompagnement vers les sorties de délinquance.
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Renseignements : magalie.cazanobes@justice.fr
Virginie Gautron, maîtresse de conférence à l’Université de Nantes, 20 avril 2023 de 10h à 12h, Amphi Mariani
Au nom de l’équipe de recherche, Virginie Gautron présentera un ouvrage récemment publié avec Cécile Vigour, Bartolomeo Cappellina et Laurence Dumoulin (La Justice en examen. Attentes et expériences citoyennes, PUF 2022). Fondé sur des entretiens collectifs auprès de citoyens confrontés ou non à l’institution judiciaire, suivis d’une enquête auprès d’un échantillon représentatif de la population française (2352 répondants), ce livre analyse la façon dont les citoyens se représentent et s’approprient la justice, son fonctionnement et ses décisions ; leurs rapports au droit, leurs attentes, les facteurs et les valeurs qui façonnent leurs jugements sur l’institution judiciaire. Dans le cadre de cette conférence, Virginie Gautron insistera plus particulièrement sur le regard qu’ils portent sur la justice pénale, et sur le profond décalage entre leurs représentations abstraites et leurs jugements sur des situations concrètes, comprenant des descriptions plus fines de divers délits et des caractéristiques des prévenus.
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Renseignements : magalie.cazanobes@justice.fr
Virginie Gautron, maîtresse de conférence à l’Université de Nantes, 19 avril 2023 de 17h30 à 19h00, Amphi Fallières
Cette conférence vise à restituer les résultats d’une recherche collective et pluridisciplinaire sur les soins pénalement ordonnés, fondée sur l’étude d’un échantillon d’environ 2 700 dossiers judiciaires (criminels et délictuels) traités dans six juridictions. (« REPESO », ANR, 2016-2021). Une centaine d’entretiens semi-directifs ont parallèlement été menés auprès de magistrats, de personnels de l’administration pénitentiaire et de professionnels de santé. Coordonnatrice de la recherche, Virginie Gautron traitera des évolutions et de la fréquence du prononcé des différents types de soins obligés (obligations, injonctions de soin ou thérapeutiques), des caractéristiques de leurs publics-cibles et des critères décisionnels des magistrats. Son intervention portera également sur l’état des controverses au sujet de la « médicalisation » de la peine, notamment en ce qui concerne les finalités assignées à ces soins et les modes relationnels des acteurs judiciaires et sanitaires.
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Renseignements : magalie.cazanobes@justice.fr
Pauline Bonnet, chargée des relations internationales au département des relations internationales de l'Enap, 8 novembre 2022
Depuis les attentats terroristes de 2015, le terme « radicalisation » afflue les espaces médiatiques et politiques. Plus encore, il permet de décrire les auteurs des attentats : des « radicalisés », des « djihadistes », qu’il conviendrait de punir. L’administration pénitentiaire devient alors l’institution responsable de ces auteurs jugés pour leurs actes terroristes et pour leur « radicalisation violente ». Actant que ces notions sont différentes l’une de l’autre, les pouvoirs politiques construisent deux politiques publiques distinctes : une politique publique de lutte contre le terrorisme et une politique publique de lutte, de prise en charge et de prévention de la radicalisation, principalement la « radicalisation violente islamiste ». Lors de cet atelier, nous analyserons la construction de la politique publique relative à la radicalisation et son application au sein de l’administration pénitentiaire (AP). Comment l’AP prend-t-elle en charge ces publics « radicalisés » susceptibles de réaliser un passage à l’acte violent ? Comment détecter, au sein de la détention, les profils susceptibles de l’être ? Plus encore, comment s’assurer, qu’à l’approche de leur libération, ces « usagers contraints d’un service public » ne passeront pas à l’acte ?
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Sylvie Frigon, ph.d., professeure titulaire, département de criminologie; vice-doyenneaux études supérieures, faculté des sciences sociales, université d’ottawa;et associée de recherche principale, Peterhouse, Cambridge, Angleterre
Ici et ailleurs, on constate que l'art est de plus en plus sollicité pour faire face aux enjeux liés à l'intervention et la justice sociale. La prison n'y échappe pas. En mobilisant des exemples de pratiques artistiques (danse, théâtre et écriture) en milieu carcéral il sera question de voir quels sont les défis, limites et avantages de faire de l'art dans ce contexte particulier. Ces questionnements touchent à la fois: la pratique artistique, la prison, la criminologie (recherche et enseignement) et l’impact sur les personnes incarcérées.
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Emilie Adam-Vezina, Docteure en socio-anthropologie, coordinatrice du projet Rescaled en France piloté par l’association Farapej - 29 mars 2022
Changer la manière dont la détention est organisée en transformant les prisons en maisons de détention. C’est l’objectif du projet européen RESCALED. Les maisons reposent sur 3 piliers : la petite taille, la spécialisation (niveaux de sécurité et activités) et l’ancrage dans l’environnement local. Les maisons de détention doivent permettre aux personnes détenues d’exécuter leur peine dans des conditions dignes, favorisant un parcours de désistance et aux personnels d’évoluer dans de bonnes conditions de travail. Ce nouveau modèle implique des changements dans les métiers de l’administration pénitentiaire, l’architecture, l’accent sur la sécurité dynamique ou encore les liens avec les collectivités. Une utopie ? La présentation fera le point sur les projets conduits dans d’autres pays européens, les recherches menées sur les 3 piliers et le contexte français.
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Emilie Piouffre-Sauvaget, docteure en Psychologie clinique, Psychologue libérale, Psychothérapeute et chargée d'enseignement à l'Université de Poitiers - 15 février 2022
A l’occasion de sa participation à l’Atelier du Cirap du 15 février 2022, Emilie Piouffre-Sauvadet, docteure en psychologie clinique, psychologue libérale, psychothérapeute et chargée d'enseignement à l'Université de Poitiers, a présenté des éléments saillants de sa thèse pourtant sur le mal-être et le suicide des personnels pénitentiaires. Elle cherche à comprendre pourquoi les surveillants pénitentiaires se suicident plus que la population générale et que leurs collègues policiers. Bien que cette question fondamentale ne trouve pas de réponse absolue et oblige à faire avec sa part irréductible de mystère, elle permet à Emilie Piouffre-Sauvaget d’éclairer autrement la centralité du travail dans l’être de l’homme ainsi que la complexité du métier de surveillant(e). Cette analyse singulière permet donc non seulement de dégager les ressorts de la souffrance au travail des personnels pénitentiaires mais d’ouvrir des perspectives permettant de la dépasser par la voie du collectif.
Voir L'intervention de Emilie Piouffre-Sauvaget
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Lire Les Chroniques du Cirap, n°31 : Souffrance et travail des personnels de surveillance pénitentiaire