Ce parcours a été réalisé par le Centre de ressources sur l’histoire des crimes et des peines (CRHCP) et l’Atelier pédagogique du numérique à l’occasion de la commémoration des 40 ans de l’abolition à l’Enap en 2021.
Les débats autour de la peine de mort et son abolition sont récurrents en Europe depuis le milieu du 18e siècle. Dès 1764, le philosophe italien Cesare Beccaria, dans son traité Des délits et des peines, dénonce la peine capitale et plaide pour son abolition et, dans les années 1780, elle est abolie dans certains états européens (dans une grande partie de l’Europe centrale mais aussi en Toscane).
En 1791, la France connaît elle aussi de grands débats sur le sujet : Lepeletier de Saint-Fargeau, rapporteur du premier code pénal plaide pour l’abolition. Cette première confrontation entre abolitionnistes et antiabolitionnistes inaugure pratiquement deux siècles de débats entre deux camps qui s’opposeront jusqu’à l’abolition en 1981.
Plusieurs autres tentatives d’abolition suivront après les mouvements révolutionnaires de 1830 et 1848, propices aux idées de progrès démocratiques et au rappel des principes de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) qui écartent la peine de mort comme l’esclavage. A l’inverse, dans les périodes de réactions conservatrices ou de guerres, la répression entraîne une augmentation des condamnations à mort.
Au 19e siècle, de nombreux juristes, magistrats et intellectuels français, s’engagent politiquement et réclament l’abolition de la peine capitale la déclarant immorale, inefficace et une survivance de la loi primitive du Talion. Fidèles aux idées des Lumières et de la Révolution française, ils mettent en avant les principes de l’inviolabilité de la vie humaine et l’irréparabilité de la peine de mort et comptent sur les progrès de la société pour y parvenir. Ils s’appuieront au siècle suivant sur les statistiques de la criminalité pour démontrer qu’elle n’est ni dissuasive, ni exemplaire, en particulier après son bannissement de l’espace public en 1939.
En face, s’appuyant sur une opinion publique fluctuante et à défaut d’une peine de remplacement consensuelle, les antiabolitionnistes, chiffres de la récidive et statistiques de la criminalité en main, défendent avec constance l’intimidation du châtiment suprême même si celui-ci n’est d’ailleurs pratiquement plus appliqué du fait notamment de l’exercice du droit de grâce accordé depuis 1875 au président de la République et l’hésitation des jurys d’assises
Ainsi, au tournant du 20e siècle, la législation française n’aura pratiquement pas progressé (sauf en matière politique) mais en 1906, un grand débat de l’abrogation de la peine capitale, s’ouvre et durera jusqu’en 1908 avec le rejet d’un projet de loi. En effet, un président de la République abolitionniste, Armand Fallières, qui gracie systématiquement tous les condamnés à mort, relance le débat. Son gouvernement dépose un projet de loi tendant à abolir la peine de mort en proposant de la remplacer par une peine d’internement perpétuel, mais la grâce présidentielle d’un violeur et assassin d’enfant déclenche un vif émoi de l’opinion publique attisé par une presse antiabolitionniste. La peine de mort sera finalement maintenue dans notre code pénal.
Malgré les deux guerres mondiales (périodes où la répression ont entraîné plutôt une augmentation de la peine de mort), l’abolitionnisme progresse partout en Europe. En France, la peine de mort agonise en pratique mais rien ne bouge sur le plan législatif. Une des causes de cette dichotomie est certainement l’accumulation des désordres et les instabilités politiques mais aussi le manque de courage des dirigeants pour ne pas déplaire à une opinion plutôt favorable au maintien. La ratification par La France de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 donnera de nouveau espoir aux abolitionnistes dans les années 1950 mais en vain.
Dans les années 1970 jusqu’à l’abolition en 1981 : la France, pays des droits de l’homme est le dernier de l’Europe occidentale à l’appliquer. L’isolement du pays devient presque l’ultime argument des abolitionnistes. En 1978, l’abolition est relancée par des députés de droite et de gauche. D’autres propositions suivront les années suivantes mais seront rejetées. C’est finalement une promesse de campagne tenue du candidat élu le 10 mai 1981, François Mitterrand, qui viendra à bout définitivement de la peine de mort.
Pour ce parcours, nous avons choisi 15 personnalités, connues et moins connues, qui ont particulièrement marqué l’histoire de l’abolition par leurs discours ou leurs écrits. Malheureusement, il n’y a pas de femmes parmi celles-ci. Peu mentionnées dans les livres d’histoire sur ce thème, elles mènent d’autres combats au 19e siècle, pour le droit de vote au divorce et à l’instruction et au 20e siècle, pour le droit à l’égalité. Cependant, nous citerons quelques figures féminines ayant laissé des traces dans l’histoire de l’abolition au 18e et 19e siècles : Isabelle de Charrière, admiratrice de Beccaria, qui se prononce dans des lettres pour l’abolition des peines corporelles et de la peine de mort, Olympe de Gouges qui exprime son aversion dans une pièce de théâtre contre l’esclavage, Georges Sand dans des correspondances ou Louise Michel dans des conférences et meetings.