Histoire & Patrimoine pénitentiaire

Statistiques pénitentiaires au 19ème siècle

Statistiques pénitentiaires au 19ème siècle

Présentation

En 1852, l'administration impériale confie à Louis Perrot, inspecteur général des prisons, le soin de réunir l'ensemble des statistiques des établissements de détention préventive et d'exécution des peines. Deux ans plus tard, une première enquête est diffusée, la première d'une série publiée chaque année par l'administration pénitentiaire et qui ne devait que très peu varier dans sa présentation jusqu'à 1940.

Dès leur première parution, les statistiques pénitentiaires, dont l'utilité première est essentiellement administrative, vont nourrir les travaux des pionniers de la science pénitentiaire comme Charles Lucas ou conforter les théories de sociologue comme Gabriel Tarde, pour démontrer par exemple sa théorie de la propagation des idées ou du progrès par l'imitation.

En effet, bien qu'incomplètes, ces statistiques vont bien au-delà de simples recensements administratifs chiffrés destinés à améliorer le fonctionnement des prisons de l'époque ; en effet, elles permettent aussi d'approcher l'état physique, intellectuel, professionnel, même religieux des détenus ainsi que leur situation économique ou morale durant leur détention.

 Ainsi, ces recensements méthodiques nous plongent de plain-pied dans la société carcérale de la France du 19e siècle dans une période où les grands débats nationaux et internationaux (dans le cadre des grands congrès pénitentiaires) se focalisent de façon presque obsessionnelle sur la lutte contre la récidive en prison notamment, lieu le plus propice à la contagion criminelle. Ils sont ainsi, pour l'histoire pénale, le complément indispensable des comptes généraux de la justice criminelle qui sont apparus en 1827.

Ainsi, sur fond d'événements historiques marquants de la période et de leurs conséquences apparaissant en filigrane des rapports (insurrection de 1848, guerre de 1870, Commune de Paris de 1871, conquêtes coloniales...), ces statistiques constituent un important réservoir de données et d'informations sur les prisons hors bagnes et leurs occupants. On y trouvera notamment :

  • des données sociologiques sur la population carcérale elle-même : état-civil, part des étrangers, situation familiale, confessions, origine rurale ou urbaine, profession, niveau d'instruction à l'entrée et à la sortie, antécédents judiciaires, répartition sur le territoire, état de santé...
  • des données judiciaires et pénales propres à cette époque : nature des crimes et délits commis, origine des juridictions, nature des peines encourues et appliquées et leur durée, état chiffré de la récidive pénale...
  • des renseignements précis sur les établissements de détention d'hommes, de femmes et de jeunes délinquants et sur leur fonctionnement : mouvements des entrées/sorties, nombre de journées de détention, discipline et punitions, évasions, mortalité, état sanitaire, travail en détention, instruction scolaire ou professionnelle, enseignement religieux, réglementation pénitentiaire...

EN SAVOIR PLUS


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Mode d'emploi du parcours virtuel

Le parcours donne accès à 250 documents numérisés qui couvrent pratiquement 70 ans de fonctionnement pénitentiaire en France et dans les nouveaux territoires colonisés (Algérie). Le bagne, sous la responsabilité du Ministère des Colonies à cette époque, en est exclu mais on trouve dans les statistiques du dépôt de regroupement de Saint-Martin-de-Ré des données sur la population des forçats en partance pour la Guyane et la Nouvelle-Calédonie, à partir de 1874.

Les rapports généraux, tableaux statistiques des maisons centrales, des établissements d’éducation correctionnelle et maisons d’arrêt sont classés chronologiquement et sont rassemblés pour constituer des séries continues de 1852 à 1900. En complément, sont également proposés dans le parcours, les tableaux statistiques du dépôt de Saint-Martin-de-Ré ainsi que la législation pénitentiaire et les textes administratifs ou législatifs s’y rapportant pour chaque année.

Les rapports (1830-1900)

Rapports annuels

Adressés à l'Empereur puis au ministre de l'Intérieur et signés par les directeurs de l'administration pénitentiaire en poste, ces rapports annuels sont une synthèse des tableaux statistiques présentés en annexes. Ils dressent un bilan général de l'institution carcérale en mettant en avant les statistiques les plus marquantes de l'année et les comparant souvent avec les précédentes. S'y ajoutent parfois des commentaires sur certains événements ou mesures intervenus au cours de l'année et leurs conséquences sur le fonctionnement des établissements concernés.
Le premier rapport signé par Louis Perrot fait allusion à des statistiques antérieures à 1852 sans mentionner les sources.
Les rapports sont ici présentés chronologiquement sous le nom de leur auteur.

Maisons centrales et colonies agricoles (1852-1900)

La question du travail de détenus

Au 19e siècle, les maisons centrales et colonies pénitentiaires agricoles sont les établissements où sont purgées les longues peines. On compte une quarantaine d'établissements durant la période.
Ils accueillent les condamnés à plus d'un an, les femmes et les hommes de plus de 60 ans condamnés aux travaux forcés, les individus de plus de 16 ans condamnés à la réclusion et les militaires condamnés aux fers. Les détenus politiques en sont exclus.

Les statistiques font notamment apparaître la question prégnante du travail des détenus et de son produit dans ces établissements. En effet, jusqu'en 1898, le travail carcéral dans les maisons centrales fonctionne sous le système de l'entreprise générale c'est-à-dire qu'il est confié par adjudication à des entrepreneurs privés qui se chargent de donner du travail aux détenus dans des ateliers qui leur appartiennent. De nombreux tableaux évoquent ces résultats qui sont autant d'économies pour l'administration pénitentiaire de l'époque.

Etablissements de correction pour les mineurs de 16 ans et moins (1852-1900)

Une augmentation du nombre de jeunes détenus dans les colonies agricoles

La loi du 3 juillet 1850 qui fixe le cadre des établissements d'éducation correctionnelle et le durcissement du code pénal va entraîner, dans la seconde moitié du 19e siècle une augmentation du nombre de jeunes détenus dans les colonies agricoles, dont Mettray est alors la plus exemplaire. Les séjours dans ces établissements sont longs (recommandés jusqu'à 20 ans, voire 21 ans) car considérés comme nécessaires à l'éducation d'enfants et d'adolescents souvent livrés à eux-mêmes. Ces jeunes sont en très grande majorité placés sous tutelle de l'administration pénitentiaire, après un jugement actant qu'ils ont agi sans discernement (art. 66 du code pénal). Les tableaux statistiques fournissent des renseignements précieux sur l'origine et la situation familiale des jeunes détenus, les raisons de leur internement. D'autres renseignements concernent les colonies elles-mêmes, leur statut (public ou privé), leur caractère, le régime disciplinaire et le sort des jeunes libérés (patronage).

Les prisons départementales (1852-1900)

Une diversité de detenus

Ces établissements reçoivent les détenus en état d'arrestation préventive, les prévenus (maisons d'arrêt), les accusés renvoyés devant les cours d'assises ou les condamnés attendant leur pourvoi (maisons de justice), enfin les condamnés à moins d'un an (maisons de correction). On trouve également des détenus contraints pour dettes, les passagers civils et militaires et de très jeunes détenus. Les dépôts et chambres de sûreté accueillent les prévenus au moment de leur arrestation avec à Paris, le grand dépôt de la Préfecture de Police qui, avec les autres établissements parisiens et le département de la Seine, représentent environ 20% de la population pénitentiaire totale dans les années 1870.

Dépôt des condamnés aux travaux forcés de St Martin de Ré

Etablissement pour longue peine

Etablissement pour longue peine, même s'il n'est qu'une étape avant le départ dans les colonies (Nouvelle-Calédonie et Guyane), le dépôt de regroupement de Saint-Martin-de-Ré reçoit, à partir de décembre 1874, tous les candidats au départ, valides, condamnés à une peine de 5 ans au moins et jusqu'à la perpétuité. A partir de 1885 (loi du 27 mai), Saint-Martin-de-Ré va accueillir également les relégués, récidivistes condamnés par la justice à l'exil perpétuel dans les colonies. Les statistiques sont établies sur le modèle de celles des maisons centrales et colonies agricoles, avec des informations moins précises sur l'état de santé des détenus ou le pécule, compte tenu du caractère provisoire de la détention et de la succession des départs.

Lois, décrets, arrêtés, circulaires publiés dans l'année (1866-1900)

Textes rassemblés dans la collection du Code pénitentiaire

L'inventaire des actes et documents officiels publiés dans l'année qui apparaissent en fin de volume à partir de 1866 se révèle être la liste annuelle des textes rassemblés dans la collection du Code pénitentiaire (du tome IV au tome XV). Ces textes de référence, au prime abord rébarbatifs, ont à l'époque une utilité essentiellement administrative (ils doivent être présents obligatoirement dans tous les greffes des établissements). Cependant, associés aux données chiffrées et en l'absence de nombreux témoignages directs, ils permettent de compléter la réalité du fonctionnement carcéral de la fin du 19e siècle.