Ce nouveau parcours thématique proposé par le CRHCP fait écho à la publication par l’Enap d’un ouvrage illustré et complet sur l’histoire des uniformes de l’administration pénitentiaire depuis son origine : "Histoire des uniformes de l’administration pénitentiaire".
L’uniforme pénitentiaire a plusieurs fonctions qui expliquent les efforts faits pour uniformiser la tenue de personnels de surveillance jusqu’à nos jours. L’uniforme joue en effet un rôle essentiel dans le processus d’identification professionnelle des personnels à un corps uni et idéalisé, placé sous le triple signe de l’égalité, de l’identité et de la personnalisation. Plus qu’une tenue de travail, il uniformise, permet une intégration et une reconnaissance par les pairs de celui qui le porte, permet aussi son contrôle par la hiérarchie. Surtout, il a longtemps permis de distinguer le surveillant du détenu lui-même porteur d’une tenue pénale**.
S’il facilite l’exercice de sa mission en aidant le surveillant à tenir sa place en l’invitant à avoir une attitude digne de l’uniforme qu’il porte, l’uniforme est aussi la marque de sa position par rapport à la société civile.
Cette dernière exerce d’ailleurs une influence déterminante sur l’évolution de la tenue.
L’uniforme demeure l’un des principaux vecteurs de l’image de marque de la profession et de l’institution pénitentiaire et contribue aussi à matérialiser aux yeux de la société civile, la mission confiée à celui qui le porte.
Dans ce parcours, il a paru intéressant de retracer, à partir des textes et du contexte historique, les évolutions de l’uniforme pénitentiaire à travers 4 périodes marquées par des modifications importantes de la tenue en lien, selon l’époque, avec les évolutions du statut des personnels, les revendications des personnels ou de leurs représentants, les grands changements dans le recrutement ou le souci de l’image du personnel auprès de l’opinion publique ou encore du confort de l’agent dans l’exercice de sa profession.
Les principales évolutions des uniformes pénitentiaires depuis 1822
Voir le diaporama ci-dessous
Restauration 1822-1849 : Gardien-chef, correspondant au grade de sergent major dans l’armée, arborant deux galons argent au collet de l’habit. Il est équipé d’une épée plate et ceinturon en cuir et porte un chapeau avec ganse en laine
Second Empire 1858 : Gardien de maison centrale en 1858 coiffé du phéci et de la capote de drap bleu renouvelée tous les 3 ans. Pantalon en drap gris bleuté et baguettes en drap jaune jonquille sur les coutures de côté.
Troisième République : 1877 : Couvre-nuque et calicot blanc pour les gardiens affectés en Corse et en Algérie
Troisième République : 1886 : Version été, pantalon treillis.
Vareuse Dolman modèle 1892 (détail ouverture avec boutons permettant le port d'un sabre baïonnette)
Trousseau de clés
Chronographe servant à effectuer les rondes de nuit
Troisième République : 1919 : Surveillant des colonies pénitentiaires pour mineurs.
Troisième République : 1928 : Pelisse longue avec capuchon molleton épais pour l’hiver, sans insigne. Cette pelisse doit être partagée à raison d’une pour trois surveillantes.
Surveillant en 1944, avec brassard blanc portant les lettres « AP » et le cachet de l’établissement.
Uniforme modèle 1966
1972 : Chemise manches longues. Possibilité de porter la chemise col ouvert en été, les manches relevées et sans la veste (note du 12 mai 1976)
1998 : Uniforme outre-mer, bermuda bleu marine.
2004 : pull-over avec écusson
2003 : Les Equipes régionale d’intervention et de sécurité (ERIS) créées en 2003 afin d’améliorer la sécurité des structures pénitentiaires.
2010 : Surveillant principal équipé d’un gilet pare-balles pour les extractions.
* Cet ouvrage, conduit par Christophe Diebold, capitaine pénitentiaire, a été réalisé avec le concours de Jean-François Alonzo, d'Odette Baix, de Jack Garçon, d'Isabelle Guérineau, et le soutien de la Direction de l'Enap en 2013.
**Voir Jean-Charles FROMENT, «La République des surveillants de prison : ambiguïtés et paradoxes d'une politique pénitentiaire en France (1958-1998)», Paris : LGDJ, 1998 et Julien MOULARD, « La tenue et ses effets : étude du statut de l’uniforme à l’Administration pénitentiaire » , mémoire de sous-directeur stagiaire, ENAP, 1996.
Le 19ème siècle
L’uniforme des gardiens dans les maisons centrales
En 1822, le règlement du 30 avril décrit pour la première fois l’uniforme des gardiens dans les maisons centrales. Il est en drap gris de fer, à passepoil jaune et boutons blancs à fleur de lys, et le gardien porte un bonnet de police ou un chapeau sur la tête.
Dans sa composition, dans l’armement et l’équipement qui l’accompagnent, cet uniforme est très proche de celui des militaires de l’époque :
épée plate pour le gardien chef, mousqueton avec baïonnette, giberne et sabre pour les gardiens et premiers gardiens.
Les grades sont marqués par l’étoile brodée sur le bonnet ou l’étroit ruban (ganse) sur le chapeau, en argent pour les gardiens-chefs, en soie pour les premiers gardiens, en laine jaune pour les gardiens ordinaires.
Le règlement affirme d’ailleurs que « les gardiens sont assimilés à la troupe de ligne pour la discipline et l’ordre intérieur du service » (art. 3) ; et les grades des gardiens sont calqués sur la hiérarchie militaire : « le gardien-chef a le rang de sergent-major […]. Les deux premiers gardiens ont le rang de sergent […] » (art. 4).
Cette tenue « militaire » traduit le choix fait au début du 19e siècle de ne recruter aux emplois de gardiens que d’anciens militaires. On insiste en effet sur les vertus militaires attendues des gardiens, et notamment leurs habitudes d’ordre et de discipline. Le recrutement des gardiens ne s’ouvrira aux civils qu’en 1868, pour un quart des postes.
Cette même idée militaire préside à la description d’une tenue unique des gardiens des prisons départementales, en 1852, eux aussi armés (sabre).
Ce n’est qu’en 1877 que les tenues des gardiens de maisons centrales et des prisons départementales seront uniformisées. L’instruction du 26 mars 1877 indique en effet que « la composition de l’habillement, qui présentait, dans les diverses catégories d’établissements, des différences fâcheuses à tous égards, a été ramenée à l’uniformité. ».
Désormais, l’uniforme se compose d’une tunique en drap bleu, d’une capote-manteau en drap gris de fer foncé et d’un képi en drap bleu foncé et gris fer foncé. Le sabre est remplacé par un fusil avec sabre baïonnette (modèle 1866).
Cette uniformisation s’inscrit peut-être dans le grand mouvement de réforme qui touche l’administration pénitentiaire dans les années 1870, à la suite de la grande enquête parlementaire sur le régime des prisons lancée par d’Haussonville en 1872. Elle marque également la volonté, sous la 3ème République naissante, de donner une identité professionnelle aux différents corps de l’administration pénitentiaire jusqu’alors distincts.
Bouton maison centrale
Détenue et Surveillante laïque
Uniformes en 1822
Gardien de prison au 19ème siècle
Porte clé
Boutons uniforme
Uniforme : bride d'épaule
Uniforme de gardien de prison au 19ème siècle
Képi de gardien de prison au 19ème siècle
Vareuse Dolman - 1892
Uniformes du personnel pénitentiaire en 1877
L'Entre-deux-guerres
L’obligation du port de l’uniforme
Au début du 20ème siècle, un certain relâchement dans le port de l’uniforme pénitentiaire est constaté*. En 1923, un rappel à l’ordre de la part de l’administration centrale stipule, dans une circulaire, l’obligation du port de l’uniforme. Il est aussi rappelé aux anciens soldats, seuls à être recrutés comme surveillants**, le respect de la discipline militaire.
Ce principe est réaffirmé dans l’article 17 du décret du 31 décembre 1927 qui fixe, pour la première fois, le statut des personnels extérieurs de l’Administration pénitentiaire en codifiant des décrets et circulaires ministériels jusqu’ici épars.
L’administration procède également à l’uniformisation des insignes portés par les surveillants dans tous les établissements pénitentiaires.
Avec le statut de 1927, on observe une volonté de professionnalisation et de revalorisation des personnels en uniforme, ce que confirme l’ouverture à Fresnes d’une école pénitentiaire pour la formation des surveillants-chefs en 1927.
En 1938, le caractère militaire de la fonction de surveillance est réaffirmé avec le lancement d’un nouvel uniforme, y compris pour les personnels « éducatifs » des maisons d’éducation surveillée pour mineurs (moniteurs, maîtres) et les commis.
La tenue est calquée sur celle des officiers et sous-officiers des armées de l’époque : casquette de forme « marine », manteau raglan qui remplace le dolman en service depuis 1892, veston croisé, de couleur bleu marine et cravate.
C’est dans les ateliers de la maison centrale de femmes de Rennes que ces nouveaux modèles seront confectionnés. Légèrement améliorés au cours du temps, ils seront portés pendant presque 30 ans par les surveillants.
Dans l’Entre deux guerres, des améliorations sont apportées au confort et à la dotation découlant des demandes des syndicats et associations professionnels dont va grandissante l’influence depuis le début du siècle (tenue kaki d’été, attribution de chaussons pour déambuler la nuit dans les coursives par exemple). L’Administration veille également à l’image du personnel à l’extérieur en recommandant une durée maximale du port des effets avant leur remplacement.
Dans cette période, un changement important concerne la tenue des surveillantes dans les établissements pénitentiaires (maisons d’arrêt ou centrales, colonies pénitentiaires devenues écoles de réforme ou de préservation).
Pour les mêmes raisons que les hommes et peut-être en raison de la perte d’influence des surveillantes religieuses depuis le début du siècle, elles sont mieux dotées : blouse, pèlerine, voile brodé au front d’une palme verte, pelisse longue et épaisse pour l’extérieur (jusqu’en 1928, une seule pelisse pour 3).
En 1938, leur uniforme est également modifié : à la blouse en satinette noire et au voile bleu sont ajoutées 2 autres blouses bleue et blanche brodées au col d’étoiles ainsi qu’une chemisette crème avec cravate bleue et une cape.La blouse deviendra la principale tenue des femmes en établissement durant 35 ans.
Uniformes à l'entre-deux-guerres
* Voir Christian Carlier, « L'Administration pénitentiaire et son personnel dans la France de l'entre-deux-guerres : Volume 1 : L'impossible Réforme », Paris : Direction de l'administration pénitentiaire, 1989
** A défaut parmi les candidats civils, âgés de 21 ans, d’une taille minimum de 1,63 m., ayant accompli leur service militaire, pourvus du Certificat d’études primaires ou ayant subi un examen d’entrée au siège de la Direction (minimum de taille : 1,63 m.).
Les années 1960 - 1980
La modernisation de la fonction de surveillance …
La réforme du statut des personnels pénitentiaires de 1966 (n°66-874 du 21 novembre) a eu pour objet la revalorisation et la modernisation de la fonction de surveillance (en termes de carrière et de traitement notamment) en vue d’un recrutement quantitativement et qualitativement meilleur, privilégiant une jeune relève. C’est l’apparence de cette fonction qu’il s’agit de moderniser et valoriser, de la même façon que l’on a cherché à rénover au début des années 60 tout l’équipement mobilier et immobilier. Il a paru alors souhaitable de modifier la coupe de l’uniforme du personnel masculin.
En 1966, le service de la régie industrielle propose de nouveaux modèles, confectionnés dans un tissu solide, plus léger et souple, portés indifféremment été comme hiver, et dont la coupe est plus moderne. Le veston, copié sur celui des policiers, est droit, fermé par 4 boutons avec 4 poches plaquées.
Les principes de hiérarchisation sont maintenus : les grades apparus à la fin des années 50 (surveillants chefs, premiers surveillants et surveillants principaux) sont identifés par de nouveaux galons portés sur les épaules, les manches et la casquette.
C’est un plus grand confort de mouvement et de contact sur la peau et une meilleure adaptation aux conditions de travail qui sont recherchés alors, rapprochant la tenue pénitentiaire d’un modèle plus civil et plus moderne, à l’image des uniformes des policiers sur la voie publique, moins stricts que les uniformes militaires d’antan (le port obligatoire de la casquette, symbole jusque là de l’autorité, disparaît en 1984 entraînant la fin du salut militaire devant les supérieurs, signe de respect de la hiérarchie dans l’armée)… et l’intégration des femmes dans le corps des personnels pénitentiaires.
dessin uniformes dans les années 60
Evolution des uniformes dans les années 60
Casquette - uniformes dans les années 60
Surveillant dans les années 60
Surveillantes dans les années 60
Surveillantes dans les années 60
A partir de 1982, plusieurs modifications sont apportées mais c’est en 1984 que des nouveaux modèles voient le jour qui visent l’égalité entre les personnels masculins et féminins : un blouson pour les hommes et 2 types de jupe pour les femmes au choix. La modification complète de la tenue féminine marque l’intégration des femmes dans les corps du personnel pénitentiaire.
S’il s’agit pour certaines d’un progrès, d’autres le regrettent en revendiquant le maintien de la blouse qui leur permettait le choix jusqu’ici en entre le port de la jupe ou du pantalon (celui-ci n’apparaîtra qu’en 1990 dans l’uniforme des femmes).
Inspirée de la tenue des gardiens de la paix qu’a dessiné le couturier Pierre Balmain, et améliorée par Ted Lapidus, la nouvelle tenue se veut, pour le ministère de la Justice, « plus moderne et mieux adaptée à la diversité des conditions de travail et des climats », plus ample et moins proche du corps comme le prouve le blouson par rapport à la veste « modèle 1966 ».
Les différences physiques des agents sont moins perceptibles, ce qui favorise l'uniformité de la tenue.
Des années 1990 à nos jours
Le port du pull-over
Au début de l'année 1994, le port du pull-over, autorisé dans un premier temps la nuit, se généralise dans les détentions. Identique à celui des gendarmes et des policiers, avec une barre de poitrine portant la mention "Administration pénitentiaire", le nouveau pull est fabriqué par le Service de l'Emploi Pénitentiaire dans les ateliers de Saint-Martin-de-Ré suivant un modèle déposé.
La circulaire du 20 février 1998, signée par le Directeur de l'administration pénitentiaire Gilbert Azibert, reprend l'ensemble des dispositions réglementaires. Elle approuve le port d'uniformes tels que le pull-over, la parka et la blouse pour les femmes, réorganise l'agencement des tenues existantes et introduit de nouveaux effets, tels que le blouson imperméable, les gants, le ceinturon.
Les nouvelles tenues sont introduites en avril 2004
Plus moderne et plus confortable, ce nouvel uniforme est adapté aux contraintes professionnelles. Les chemises sont remplacées par des polos, les pantalons inspirés de ceux portés par les ERIS (Equipes Régionales d'Intervention et de Sécurité) depuis 2003, sont de type « treillis ». Une casquette souple et un blouson, du même tissu que les parkas, équipé d'une doublure polaire détachable pour être porté en été et en hiver complètent la tenue. Un certain nombre d'accessoires viennent agrémenter l'uniforme actuel : les grades de poitrine accrochés par textile auto-agrippant sur le polo, un ceinturon plus adapté au port de clefs, d'alarmes ou de gants, des gants de cuir doublé d'un textile protégeant des coupures.
Ce nouvel uniforme est unisexe, les surveillantes portent toutes un uniforme identique permettant de les identifier comme personnels de surveillance, au même titre que leurs collègues masculins. L'uniformité s'étend également aux quartiers femmes où les surveillantes ne peuvent plus porter la blouse blanche en guise d'uniforme.
Avec cette nouvelle tenue, on assiste à une évolution vers une égalité de traitement sans distinction de sexe entre hommes et femmes liée à l'augmentation importante de la féminisation dans le métier de surveillant depuis les années 1990, dans le souci également de renforcer la solidarité, la cohésion entre les personnels de surveillance et de mieux intégrer les femmes notamment dans les détentions Homme.
Uniformes actuels du personnel pénitentiaire de 2004 à nos jours