Une recherche sur la radicalisation (menée par Guillaume Brie et Cécile Rambourg) propose d’analyser les rationalités politiques à l’œuvre dans la constitution du phénomène de « radicalisation » et en jeu dans les dispositifs de prise en charge des détenus. Sur un plan international et national, les actions menées pour lutter contre la « radicalisation » s’inscrivent dans le registre de la gestion des risques ce qui appelle des pratiques pénitentiaires tournées vers une évaluation de la dangerosité des individus impliqués dans la radicalisation, une neutralisation de celle-ci et une conversion axiologique de ceux-là. Toutefois, la faiblesse des éléments tangibles pour définir la « radicalisation » place les agents en producteurs empiriques de la définition du phénomène et, en conséquence, de la mise en œuvre du dispositif. C’est précisément sur ce travail d’élaboration par les agents des dispositifs en train de se faire que porte cette recherche, à la fois pour comprendre ce qui préside à leurs choix et pour saisir les transformations de ces dispositifs.
Plus généralement, cette recherche s’intéresse à la manière dont se constituent des savoirs et des pratiques sur la « radicalisation » en accordant une attention particulière à la volonté de sanctionner dans les politiques pénales et, simultanément, au souci de responsabiliser les justiciables dans ces politiques.
Une recherche portant sur les obligations applicables en milieu ouvert (Etude des obligations applicables en milieu ouvert, Une analyse de la dimension coercitive de la probation, Clément Margaine) analyse les logiques des professionnels pénitentiaires et judiciaires chargés de contrôler le respect des différentes obligations et interdictions qui peuvent être imposées en milieu ouvert. Développant une analyse de sociologie juridique dans la lignée des travaux de Jean Carbonnier sur la place du droit et de la norme, mais également de Michel Foucault sur la discipline et le coercitif, ce travail de recherche se propose d’interroger la probation sous l’angle de sa dimension contraignante afin d’analyser comment la contrainte s’exerce en milieu ouvert. Comment les acteurs du suivi appréhendent la contrainte et plus largement la dimension coercitive du milieu ouvert ? Quelles sont les difficultés auxquelles ces professionnels sont confrontés et quelles stratégies mettent-ils en œuvre pour dépasser ce cadre coercitif parfois considéré comme un obstacle ?
Cette étude du milieu ouvert appréhendé par le prisme de la contrainte et du contrôle vise ainsi à mieux cerner le sens de la probation en tant que peine, à travers l’analyse du droit positif mais également des discours et des pratiques des professionnels, qu’il s’agisse des magistrats qui prononcent et, le cas échéant, sanctionnent ces obligations, ou des personnels du SPIP (directeurs et conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, agents PSE) qui mettent en œuvre ces obligations et en contrôlent le respect.
L’étude globale du fonds photographique Henri Manuel, qui jusque-là n’avait jamais été envisagée, a fait l’objet d’un travail de recherche (mené par Fabienne Huard-Hardy) dont l’objectif principal était de valoriser un ensemble de clichés (un peu plus de 800) qui jusqu’à présent n’avaient été utilisés que ponctuellement et sans véritable réflexion sur le contexte de la campagne photographique. Alors que de prime abord le fonds photographique déroule la vie quotidienne des prisons (de courtes et de longues peines, pour hommes et pour femmes), une démarche structurée autour des sources existantes comme les sources législatives, la littérature grise ou encore les témoignages, confrontés, classés, comparés, et bousculés au regard de l’Histoire générale, quotidienne, institutionnelle, économique voire artistique a permis d’approcher certaines causes, impacts que les traces visuelles du photographe laissent entendre. Cette démarche a concouru à objectiver mais aussi à déconstruire les rapports de causalités établis et en usage. De cette étude visuelle le questionnement sur ce qui est montré, sur ce que l’on veut nous montrer, et enfin sur ce que l’on voit prend une dimension centrale au vue du contexte de la campagne photographique (commande politique) qui offre aujourd’hui un aperçu du monde pénitentiaire de la fin de la Troisième République. À l’instar de l’historienne Joan W. Scott, il fut utile de suivre une démarche critique de l’histoire et de déconstruire ce qui « semble » être pour aboutir à interroger les mécanismes sous-jacents à l’élaboration de la loi (période de la grande réforme judiciaire et pénitentiaire de 1926), les représentations mentales de la prison et le sens de la peine au travers du médium photographique : travail de fonds sur la culture visuelle des prisons. Et pour finir, ce passage du discours inaugural au Collège de France de Patrick Boucheron : « Ce temps n’est pas le passage obligé d’un devenir orienté qui, les dépassant, rendrait caduques ses formes anciennes. Il est ce passé accumulé dont l’archéologie vise les couches toujours actives-utiles, en somme, à une compréhension du fait politique aujourd’hui. »