Histoire & Patrimoine pénitentiaire

L’emprisonnement cellulaire au 19e siècle : les premiers débats

L'emprisonnement cellulaire au 19ème siècle

Un nouveau système qui fait l’unanimité

Observé aux Etats-Unis par Alexis de Tocqueville et Gustave de Beaumont en 1831-1832, le modèle de la prison cellulaire fait son apparition en France dans le cadre de la construction de nouvelles prisons pour jeunes détenus (circulaire du 2 octobre 1836),. Il est ensuite expérimenté en 1839 pour séparer les jeunes détenus des adultes, avant d’être appliqué dans les établissements nouvellement construits de La Roquette et de Mazas (1841). Appuyé par l’ensemble des institutions pour qui la promiscuité en prison est corruptrice, le principe de l’emprisonnement cellulaire est présenté en 1840 dans un 1er projet de loi sur la réforme des prisons et voté à la très grande majorité par l’Assemblée nationale, le 19 mai 1844.

Le nouveau système fait l’unanimité. Il est l’image du progrès, la base d’un nouveau régime des prisons, indissociable des réformes pénitentiaires à l’œuvre dans tous les pays éclairés d’Europe et des Etats-Unis, où les idées philanthropiques placent l’emprisonnement cellulaire des condamnés au centre du système pénal et le considèrent comme une des garanties de l’ordre public si l’amendement du détenu, c'est-à-dire son changement moral, est bien réalisé. Si tous les spécialistes sont conscients de l’efficience du système cellulaire et approuvent son concept pour amender le coupable et le préserver de la contagion criminelle, les débats vont se cristalliser dans les années suivantes sur les conditions de sa mise en œuvre et de son application :

Sur le plan moral et médical, des médecins et religieux s’élèvent contre le régime d’isolement en cellule jugé trop sévère, trop dur (la transportation est jugée plus humaine), voire anti-catholique, pouvant mener, s’il est permanent et appliqué partout, au désespoir et au suicide du détenu. Arguments que les défenseurs du système tempèrent en spécifiant que l’isolement ne doit être appliqué que pour les condamnés entre eux et qu’il ne peut être complet et absolu. La religion, l’instruction et le travail sont les conditions de l’application du régime cellulaire qu’ils accordent de plein droit, pendant toute la durée de sa peine, à tout détenu qui en ferait la demande.

Sur le plan juridique, comment l’introduire dans le code pénal et notamment dans un système des peines fondé alors sur la gradation des peines (réclusion, emprisonnement, travaux forcés) ? Sur le plan économique enfin, car on a cru, sous le Second empire en particulier (1852-1870), que la transportation dans les bagnes coloniaux (à partir de 1853) serait moins coûteuse. La Révolution de 1848 et le Second Empire emporteront le projet mais le système continue de se développer en Europe où l’isolement est présenté, dans les congrès pénitentiaires internationaux, comme la base fondamentale d’un système pénitentiaire efficace et moderne.