Après la chute du Second empire (1870), tous les spécialistes s'accordent pour réaffirmer que la détention collective est l’école du vice, du crime et de la récidive. Il faut donc réduire la promiscuité dans les prisons de courtes peines pour limiter les risques de récidive et la contagion morale avec comme remède, l’isolement et la séparation des prisonniers, base fondamentale du futur système pénitentiaire. En revanche, si la cellule est efficace pour le repentir et le remord, jamais le coupable ne doit sombrer dans le désespoir pouvant mener au suicide ou à la folie. La religion et l’instruction (lecture et prière) ainsi que le travail doivent l’en préserver. Il ne peut donc y avoir de séquestration complète et les visites quotidiennes du directeur, de l’aumônier, des surveillants, de l'instituteur, de parents et même de membres des patronages sont recommandées.
En 1872, à l’initiative du vicomte d’Haussonville, député, l’étude d’une réforme pénitentiaire renaît exactement dans les mêmes termes que 30 ans auparavant. Une commission composée de parlementaires et de spécialistes est constituée et réalise une grande enquête nationale publiée au Journal officiel en 1873 et 1875. Dans l’esprit des défenseurs de la réforme, la loi qui débouchera sur le principe de l’emprisonnement individuel doit être une œuvre législative majeure.
Les travaux de la commission débouchent sur la loi du 5 juin 1875 sur le régime des prisons départementales (peines inférieures à 1 an et 1 jour). Dans l’article 1, le principe de l’emprisonnement individuel pour tout détenu (base fondamentale du système c'est-à-dire la séparation de jour et de nuit des inculpés, prévenus et accusés) est affirmé. Dans l’article 2, l’emprisonnement en cellule individuelle pour tous les condamnés à 1 an et 1 jour et au-dessous devient également la règle. Pour les peines supérieures à 1 an, l’emprisonnement individuel devient facultatif mais s’il est choisi par le détenu, il donne droit à une réduction d’un quart de la durée de la peine subie (art. 4). La loi impose également l’adoption du régime cellulaire à toute reconstruction ou appropriation par l’Etat de prisons départementales (art. 6).
Curieusement, si la loi prévoit bien l’encellulement préventif (pour les prévenus afin de les soustraire au contact des criminels) comme l’encellulement expiatoire (c’est la règle pour tous), l’amendement du détenu (la modification de la mentalité d’un être souvent perverti et multi-récidiviste, pour qu’il se conduise en homme honnête) reste secondaire alors que, tout au long du 19e siècle, le but recherché de la peine est son caractère réformateur et régénérateur.
Débats au cours et autour de l’enquête parlementaire sur les prisons (1872-1873)
Rapport sur le système pénitentiaire (en 1869), Président Loyson
Lettre de Charles Lucas à la commission d’enquête pénitentiaire (lecture dans séance du 28 mars 1873
Réflexions sur la réforme pénitentiaire, V. Bluteau, aumônier du pénitencier de Tours
Réflexions sur l’emprisonnement individuel, Abbé Crozes
Réflexions sur l’influence du régime cellulaire sur la santé, docteur Mottet, médecin de la maison correctionnelle des jeunes détenus
Fonctionnement du système de l’emprisonnement individuel, Fernand Desportes
Quelques mots sur le système pénitentiaire français et spécialement sur les prisons départementales, Charles Waternau, Août 1872
Discussion du projet de loi par la commission
La loi du 5 juin 1875 et ses toutes premières applications
Loi du 5 Juin 1875 sur le régime des prisons départementales
Instruction du 10 août 1875 pour l’application de la loi du 5 juin 1875
Bilan de l’application de la loi pour l’année 1875