Artiste en résidence : le Collectif CANCAN interroge le territoire...

Artiste en résidence : le Collectif CANCAN interroge le territoire...

Le collectif CANCAN, composé d’architectes, géographes, designers s’interroge depuis 2021 sur l’Énap et son territoire à l’heure de l’extension de l’École.

Le collectif

CANCAN est né du rassemblement ouvert d’une vingtaine de personnes avec la volonté de créer autrement et de manière solidaire, autour des questions de conception et d’occupation spatiale. Fort de son expérience dans les champs de la médiation et des actions participatives, il propose de mettre en place des outils collaboratifs pour créer un lien fort avec les usagers du lieu dès les premiers temps de réflexion. Le Collectif CANCAN, de par sa nature et ses méthodes autour de l’expérience et l’expérimentation, revendique son rôle d’entité initiatrice et activatrice de situations, de projets, de lieux.

Le collectif CANCAN à l'Enap

En 2021, à travers cinq temps de résidence, le Collectif CANCAN est venu interroger l’institution et la faire s’interroger sur elle-même, sur les dispositifs spatiaux qu’elle déploie, leur mise en forme, leur présence symbolique…

Ces immersions ont permis aux membres du Collectif de s’alimenter de sujets au cœur des réflexions de l’administration pénitentiaire. Elles ont également été, pour les membres du collectif, l’occasion d’imaginer et de concevoir un outil leur permettant d’aller à la rencontre des élèves et personnels de l’Énap. Cet objet mobile, « non-identifié » et volontairement étrange leur a permis de signaler leur présence dans différents lieux du campus, d’attiser la curiosité, de créer la rencontre et l’échange. Au fil de leur passage à l’Énap, les membres du collectif ont testé leur 

dispositif mobile, l’ont fait évoluer, créant des configurations diverses selon son implantation.

En parallèle, le Collectif CANCAN a également développé un travail d’analyse des espaces, interrogeant les flux de personnes, l’éclairage, les accès, la végétation… et traduisant ainsi de manière concrète ce que ses membres expérimentent depuis le début de leur résidence.

À partir de leur immersion à l’école, de ces nombreuses rencontres et de ce travail d’analyse des espaces, les CANCAN ont interrogé les lieux et les imaginaires qu’ils suscitent. Au cœur de leurs questionnements, se tient la clôture qui entoure l’ensemble de l’école et par extension, les chemins dessinés au sol, qui parcourent l’école et viennent heurter cette clôture, perdant leur fonction première de lien entre l’école et ses abords. Ces chemins « sans issues » sont l’occasion de questionner la notion de limite au sein de l’Énap et par extension, celle de l’accueil sur le campus.

Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap
Résidence artistique du Collectif CANCAN à l’Énap

Le cercle des fées

En décembre 2021, pour marquer la fin de leur première année de résidence à l’école, le Collectif CANCAN a ainsi imaginé et conçu une installation, à partir du dispositif mobile premier. Une nouvelle « bulle » aux proportions et à l’usage renouvelé, un lieu dans lequel on peut s’immerger, un lieu éphémère de découverte visuelle et sonore. Intitulée « Le cercle des fées », cette installation a pris place le temps d’une soirée à la croisée de deux chemins « sans issue » venant se heurter à la clôture, sur un axe fréquenté par les élèves qui vont et viennent entre l’école et l’extérieur, entre le dedans et le dehors.

L’installation éphémère « Le cercle des fées »
L’installation éphémère « Le cercle des fées »
L’installation éphémère « Le cercle des fées »
L’installation éphémère « Le cercle des fées »
L’installation éphémère « Le cercle des fées »
L’installation éphémère « Le cercle des fées »
L’installation éphémère « Le cercle des fées »
L’installation éphémère « Le cercle des fées »
L’installation éphémère « Le cercle des fées »
L’installation éphémère « Le cercle des fées »

Les réflexions menées par le Collectif CANCAN autour des notions de limite physique ou mentale, visible ou invisible, associées à celle de l’accueil au sein du campus se poursuivent en 2022. En lien direct avec les élèves et formateurs de l’Énap, associés à leur démarche, le Collectif CANCAN a choisi de mettre en œuvre un premier dispositif, installé dans le hall de l’amphithéâtre Fallières : une « station d’accueil » imaginée, conçue et fabriquée à l’Énap par les membres du Collectif. Réinventée à la lumière des analyses faites par les CANCAN, la maquette du campus devient le support des évolutions spatiales qu’a connu l’Énap ces 10 dernières années, un point de rencontre, un lieu de découverte et d’échange.

 

Le Collectif Cancan, artistes en résidence, inaugure le kiosque d’accueil

Le jeudi 2 juin 2022, le Collectif Cancan nous a présenté la Station des sens. Ce kiosque d’accueil émerge des temps de résidence de l’année 2021. L’inauguration a été introduite par la compagnie de danse YMA, qui expérimente de manière complémentaire au travail du collectif l’espace, le geste, le mouvement.

En observant l’approche et la démarche du collectif, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser qu’ils ont regardé notre école à la manière de Georges Perec, écrivain géographe qui nous invite à « voir le monde, non plus comme un parcours sans cesse à refaire, non pas comme une course sans fin, un défi sans cesse à relever [...] mais comme retrouvaille d’un sens, perception d’une écriture terrestre, d’une géographie dont nous avons oublié que nous sommes les auteurs.”

La base de cette installation est l’ancienne maquette de l’école. Elle s’appuie sur la mémoire d’une époque pour nous emmener vers de nouvelles strates, marqueurs des temps passés et à venir.
 

Cette présentation de la station des sens a été l’occasion d’un moment convivial avec les personnels de l’école.

Le Directeur, Sébastien Cauwel en a profité pour rappeler l’intérêt et la pertinence de la culture au sein d’une école de service public.

Le Collectif Cancan, artistes en résidence, inaugure le kiosque d’accueil
Le Collectif Cancan, artistes en résidence, inaugure le kiosque d’accueil
Le Collectif Cancan, artistes en résidence, inaugure le kiosque d’accueil
Le Collectif Cancan, artistes en résidence, inaugure le kiosque d’accueil
Le Collectif Cancan, artistes en résidence, inaugure le kiosque d’accueil
Le Collectif Cancan, artistes en résidence, inaugure le kiosque d’accueil
Le Collectif Cancan, artistes en résidence, inaugure le kiosque d’accueil
Le Collectif Cancan, artistes en résidence, inaugure le kiosque d’accueil

L’année 2022 a donc été l'occasion de formaliser spatialement des installations de dispositifs retranscrivant à la fois les temps passés in-situ et l’analyse de l’école proposée par le collectif. Le Kiosque d’accueil a ensuite pris place dans les espaces d’accueil de l’école, notamment dans le hall de l’amphithéâtre Fallières mais sa mobilité l’amène parfois dans l’entrée du bâtiment administratif. Autre formalisation, un totem est venu se poser en plein centre du parc, sous la forme d’une guérite afin d’accueillir une proposition de signalétique.

« LA PRISON C’EST NOUS, ON S’ENFERME TOUT SEUL »

 Il y a quelques années, un membre de CANCAN, accompagnant l’artiste Arnaud Théval pour l’une de ses résidences découvre pour la première fois l’École nationale d’administration pénitentiaire. Surpris de découvrir une école implantée dans un paysage généreusement arboré et entièrement ouvert, à tel point qu’il n'étonne plus personne de croiser des lapins ou des canards en totale liberté sur les hectares composant le campus. Les riverains profitent tout autant de ce parc unique pour venir pique-niquer, jouer, lire ou s’étendre sur une pelouse.

En 2021, lorsque CANCAN revient à l’ÉNAP cette fois en tant que futur « résident artistique », la première chose qui nous saute aux yeux à notre arrivée : une enceinte faite de barrières, de portails automatiques et de tourniquets cerclant le campus. L’accueil et l’entrée sur le site se matérialise désormais par une triste guérite en pré-fabriqué, où les nouveaux arrivants doivent montrer patte blanche. On nous raconte que la barrière a été érigée dans le contexte de situation d’urgence liée à la menace terroriste.

 Une décision précipitée pour répondre à une demande, à un impératif de protection, de repli face à une menace diffuse et imprévisible. Un repli physique qui révèle le repli mental et émotionnel d’un pays qui cherche à combattre la sidération causée par le traumatisme terroriste. La limite devient vitale : elle protège contre le chaos, contre une violence sans règle, contre un arbitraire sans mesure. Cette limite pensée dans un contexte d’attentats a pour objectif la protection des personnels et élèves de l’ÉNAP. Cependant, sa présence physique implique de nouvelles situations et interroge la relation de l’école avec son voisinage, la notion d’accès, etc…

 L’année 2021, c’est aussi un état d’urgence qui en chasse un autre ou plutôt en aggrave un autre. La situation sanitaire et ses « gestes barrières », ajoutent de nouvelles limites entre les êtres et les espaces, l’autre devient un potentiel danger pour soi. Ces mesures d’isolement sont prises sans calcul ni recul sur les conséquences psychologiques, affectives, sensibles dont on mesurera l’étendue des dégâts pour les décennies à venir.

La reconfiguration permanente de ces limites plongent les êtres et les instances comme l’ÉNAP dans une incertitude et une précarité latente et permanente. Par la force de la coercition et de l’unanimité affichée autour de ces nouvelles règles, de ces nouvelles restrictions, de ces nouvelles limites donc, les interroger se révèle être un axe de travail pertinent et passionnant car soulevant des questionnements multiples, qu’ils soient artistiques, architecturaux, éthiques, sociaux, philosophiques, psychologiques…

BOUSCULER TOUTES LES LIMITES, À L’ ÉNAP

 Les limites, qu'elles soient naturelles, artificielles, construites, éthiques ou sociales, sont des objets physiques ou mentaux servant à la démarcation des espaces. Elles sont liées à une histoire, une société ou une culture tant dans leur respect que dans leur transgression. Visibles ou invisibles, elles peuvent être plus ou moins exacerbées selon le lieu où le moment. Sur cette question, le monde contemporain polarise le débat entre ceux qui rêvent d’abolir toute limite pour gommer toute différence et ceux qui appellent à en ériger drastiquement pour conserver un entre-soi idéalisé. Mais ces deux postures font fausse route car elles ignorent une composante essentielle des interactions humaines : l’altérité, ce qui est autre, ce qui est différent.

 Parler de barrière, d’obstacle (du latin ob, se tenir devant et stare, être debout/dressé) dans le cadre de l’ÉNAP met en exergue un lieu d’action et d’intervention sur le sujet. S’appuyer sur la barrière de l’ÉNAP pour se confronter à la limite, la questionner, la repenser, la rendre vivante et en exprimer la multitude de ses formes.

S’appuyer sur la barrière de l’ÉNAP permet de se confronter à la limite, la questionner, la repenser, la rendre vivante et en exprimer la multitude de ses formes.

 

En parallèle de ces réflexions, le collectif repère, toujours à l’affût et les yeux grands ouverts sur le campus, une guérite d’accueil délaissée dans une arrière-cour de l’école : la décision est prise de la remettre au cœur du parc de l’ÉNAP pour interroger, intriguer, provoquer. Objet devenu symbolique marquant à la fois l’accueil et la sécurité de l’école, la guérite est détournée ici comme support, un habillage graphique exposant la démarche et la réalisation d’une maquette annoncent et amorcent l’installation à venir sur celle-ci. 

Guérite 1
Guérite 1
Guérite 2
Guérite 2
Guérite 3
Guérite 3

LA STATION DES SENS

Un habillage nouveau s'installe tout autour de cette guérite, une manière de la protéger, la mettre à distance mais aussi de la laisser s’oublier. Les planchers sur deux de ses faces invitent à s’y approcher, s’y arrêter voire même d’y pousser sa porte…

Durant une semaine les membres du collectif s’affairent à la transformer pour lui donner une seconde vie. Une semaine de chantier durant laquelle le collectif déménage une partie de son atelier afin de réaliser les aménagements imaginés et conçus durant l’hiver avec l’UCACE et les élèves.

 

Station des sens
Station des sens
Station 2
Station 2
station 3
station 3
station 4
station 4

LA STATION DES SENS

Un habillage nouveau s'installe tout autour de cette guérite, une manière de la protéger, la mettre à distance mais aussi de la laisser s’oublier. Les planchers sur deux de ses faces invitent à s’y approcher, s’y arrêter voire même d’y pousser sa porte…

Durant une semaine les membres du collectif s’affairent à la transformer pour lui donner une seconde vie. Une semaine de chantier durant laquelle le collectif déménage une partie de son atelier afin de réaliser les aménagements imaginés et conçus durant l’hiver avec l’UCACE et les élèves.

Immobilisée derrière son ossature de bois, elle offre quatre faces nouvelles et imposantes permettant l’affichage d’informations, les tasseaux qui les composent deviennent le porte-étendard de la nomenclature décidée avec les élèves et personnels rencontrés au fil des résidences. Quatorze d’entre-eux, peints en jaune, rappellent les « sans-issues » - ces chemins qui emmènent vers l’extérieur mais qui se voient heurtés et stoppés par la barrière. Barrière qui est symbolisée ici par la succession de tasseaux qui habille et donne de l’ampleur à la guérite.

Cette Station des sens est le résultat d’un travail concernant l’orientation et la signalétique des lieux. Sa volonté est de concentrer en un point des informations d’orientations que ce soit du « dedans » et du « dehors ». Indiquer les lieux du quotidien de l’école dans un but pratique de direction des usagers et surtout des élèves.

Un code couleur est déterminé. Le orange pour les bâtiments de formation, d’administration et de services. Le bleu pour les villages d’hébergement. Les noms des lieux de l’école se retrouvent sur une carte affichée sur une de ses faces. Elle indique les lieux qui semblent principaux et indispensables pour réussir à se repérer sur le site. Elle permet de mettre à jour les nouveaux bâtiments et aménagements construits récemment.

Au-delà de l’école, il s’agit d’orienter les personnes vers un extérieur qui paraît lointain. D’abord du fait de cette limite physique de la barrière mais aussi mentale car bien souvent les élèves ne connaissent pas les alentours, les lieux à visiter, les points d’intérêts. Les amener vers ce dehors que nous avons pu arpenter nous-mêmes est un des objectifs officieux. Une seconde carte est affichée sur une face de la Station des sens pour situer ces lieux et donner les premières informations.

Enfin, cette Station des sens permet de mettre en scène un des « sans-issues ». Ces chemins coupés par l’arrivée de la barrière et laissés tels quels. C’est ainsi que sur une des faces de l’installation, une anamorphose en trompe-l’œil est installée. Elle nous fait oublier la guérite pour nous confronter de nouveau à la barrière. Mais cette fois-ci son franchissement est possible pour qui voudrait. Un « dedans » nouveau s’offre alors. Un « dedans » à découvrir, à inventer, à questionner.

UNE DERNIÈRE BALADE SOUS FORME DE RÉTROSPECTIVE

L’année 2024 marque la fin de la résidence artistique pour le collectif CANCAN et le temps de laisser à d'autres la place pour s’exprimer. Cette fin est symbolisée par une proposition de déambulation dans l’ÉNAP, partant du Kiosque d’accueil, passant par la Station des sens et s’achevant dans les salles de convivialité du village Riac aménagées par le collectif en décembre 2023.

De plus, l'installation d’une exposition photographique retraçant les années passées par le collectif au cœur de l’école est l’occasion pour ses membres d’arpenter une dernière fois tous les recoins du campus en passant de village en village et de bâtiment en bâtiment.

L’idée étant d’amener un peu de ce récit au pied de chaque porte des villages. Parce que la culture doit se diffuser partout, surtout là où elle ne va jamais. L’objectif est d’essayer de tirer un fil entre ces lieux dortoirs et le reste de l’école.

Personnes1
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personnes 2
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personnes3
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Cette journée d’installation et d'inauguration est le temps de dernières rencontres et dernières discussions avec les élèves et personnels.

Une ultime discussion avec un élève clôture parfaitement ces temps de résidence et sur laquelle nous souhaitons rester : « Nous, on est des jardiniers. On sème avec les détenus leur avenir. Bien souvent, on en récolte pas les fruits avec eux mais l’important c’est de planter et d'entretenir. Faire en sorte que l’avenir soit meilleur, du mieux qu'on peut. »

Le collectif souhaiterait sincèrement remercier le Service Culture de l’école, particulièrement Anne-Claire Landrieu et Céline Ernst, pour leur confiance et leur soutien tout au long de ces années de travail commun. Leur gentillesse d’accueil et leur facilitation à nous donner un cadre de travail confortable en immersion au cœur de l’ÉNAP. Un merci également à Carine Brenac pour son enthousiasme à réfléchir avec nous à notre travail.

Un merci aux services techniques, notamment Marc Descamps, Laurent Gaillard, Joël Sore et toutes leurs équipes pour leur aide précieuse lors de nos installations spatiales.

Un merci à Odette Baix et au service reprographie qui nous a accompagné dans notre travail et nous a permis de réaliser nos projets.

Enfin un merci à Hafida Crampe, directrice du restaurant, arrivée en 2023 et qui a révolutionné à sa manière la qualité de la restauration de l’école, permettant de changer de regard sur la notion d’accueil et d’hospitalité que propose l’école.