À l’ombre de l’Abbaye de Clairvaux sortira dans les salles françaises le 9 octobre 2024. Cependant, le réalisateur Éric Lebel a tenu fortement à aller à la rencontre des élèves et personnels de l’ÉNAP pour leur présenter en avant-première son nouveau film.
Cet évènement s’est alors déroulé au cinéma CGR d’Agen le lundi 23 septembre dernier, le soir même de la cérémonie d’hommage aux personnels de l’administration pénitentiaire blessés ou morts en service, présidée par la directrice Sophie Bondil, où une stèle commémorative a été inaugurée sur la place d’honneur de l’école. En effet, la date du 22 septembre – choisie par l’ancien garde des Sceaux Éric Dupont-Moretti pour instituer la Journée nationale du souvenir pénitentiaire (réf. Décret du 16 mars 2023) – rappelle celle de l’assassinat, en 1971, du surveillant Guy Girardot et de l’infirmière Nicole Comte, lors d’une prise d’otages à la maison centrale de Clairvaux. C’est pourquoi une centaine d’élèves de l’ÉNAP – parmi la 218e promotion de surveillants, la 29e promotion de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et la 29e promotion de capitaines pénitentiaires – ont assisté à ce long-métrage, réalisé à la croisée entre reconstruction historique et étude sociologique, qui retrace l’histoire extraordinaire (longue de 900 ans) de cette maison centrale, ancienne abbaye cistercienne jusqu’à la Révolution française, qui fut la plus grande prison de France et qui a fermé définitivement ses portes en 2023.
Éric Lebel a recueilli les derniers témoignages de la « communauté » de Clairvaux (en participant, de ce fait, à la préservation de la mémoire historique et collective pénitentiaire) et a offert, par son œuvre, un savant croisement de regards entre détenus condamnés à de longues peines, personnels pénitentiaires et moines cisterciens (interviewés depuis l’Abbaye de Cîteaux), autour de la notion d’enfermement et du long cheminement, essentiellement intime (bien que le fruit de dispositifs d’accompagnement dédiés) conduisant à la réinsertion dans la société et ainsi à la liberté (là où par « quête de la liberté », on entend notamment « trouver sa liberté intérieure » via un processus de reconstruction psychologique). Ces témoignages sont poignants et mettent en perspective notamment la relation entre détenus et agents pénitentiaires, lesquels racontent face à la caméra leur quotidien au sein de la prison et ouvrent leur réflexion en direction de la lutte contre la récidive et la réinsertion sociale, voire des dispositifs alternatifs à l’enfermement (tel le placement à l’extérieur). Les personnels pénitentiaires qui ont participé au tournage sont issus de toutes catégories confondues : il s’agit de haut-fonctionnaires de l’administration centrale, de directeurs des services pénitentiaires, de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, et de surveillants pénitentiaires en activité ou retraités.
À l’issue de la projection de ce film qui sort des sentiers battus et qui est doté d’une charge esthétique profonde, grâce à la mise en valeur du patrimoine historique de la maison centrale de Clairvaux, le réalisateur a répondu aux questions du public (qui comptait également la présence du directeur du SPIP 47 Fabrice Simon) lors d’un débat animé par Jean-Philippe Mayol, directeur adjoint de l’ÉNAP, et Fabienne Huard-Hardy, historienne et responsable du Centre de ressources sur l’histoire des crimes et des peines (CRHCP). Les échanges se sont portés sur l’ensemble des thématiques suggérées par le film, jusqu’aux notions fondamentales de respect et d’exemplarité que le personnel pénitentiaire doit incarner.
Ce ciné-débat a constitué un moment culturel et de réflexion partagée remarquable ; et à l’instar du film de Jeanne Harry Je verrai toujours vos visages (2023), À l’ombre de l’Abbaye de Clairvaux d’Éric Lebel est destiné à devenir lui aussi un outil pédagogique incontournable pour la formation des personnels pénitentiaires.