La délégation française et les autorités bulgares

Participation de l’ÉNAP à la conférence annuelle du réseau européen des écoles pénitentiaires (EPTA)

Publié le : 10/07/2025

Les 18 et 19 juin 2025, l’École pénitentiaire de Bulgarie, située à Samoranovo, a accueilli la conférence annuelle du réseau européen des écoles pénitentiaires (EPTA). Cet événement a réuni 70 participants représentant 24 pays et portait sur le thème : « Comment utiliser la formation pour améliorer le bien-être du personnel pénitentiaire ? Constituer un effectif stable et un leadership efficace pour un avenir plus sûr. » 

La délégation française était représentée par Mme Sophie Bondil, directrice de l’ÉNAP, accompagnée de Mme Pascale Pug, chargée de formation au département gestion et management ainsi que de M. Cédric Le Bossé, chef de l’unité des relations internationales et coordinateur du réseau EPTA auprès d’EuroPris, chargé de la coordination du programme de la conférence.
Au-delà du présent rapport, les différents documents support et présentations structurées des intervenants de la table-ronde et des interventions plénières seront également diffusés sur Intranet.   


Introduite par la ministre de la Justice bulgare et le directeur de la Direction générale de l’exécution des peines (GDEP), la conférence s’est articulée autour de plusieurs temps forts : 


Table-ronde : Six modèles européens de formation axés sur le bien-être du personnel
Les échanges ont porté sur les enjeux de la formation pour le bien-être du personnel pénitentiaire, en explorant les contenus, les formats pédagogiques, l’importance de la recherche, et l’évaluation de l’impact sur le terrain. L’objectif était de mieux comprendre les besoins des agents, des stagiaires et des formateurs dans un contexte en constante évolution. 
Le concept de bien-être est perçu comme un équilibre entre santé mentale, physique, vie professionnelle et personnelle. Il est lié à la culture organisationnelle, à la prise en compte des besoins (pyramide de Maslow) et à la prévention des risques psychosociaux identifiés.  
L’Estonie a mis en œuvre un modèle pédagogique hybride centré sur l’apprentissage en situation réelle, combinant cours en présentiel, mentorat, enseignement en ligne et étude autonome, tout en veillant à préserver l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. De son côté, l’ÉNAP a exposé ses dispositifs visant à renforcer la résilience mentale, à former les cadres à la gestion des risques psychosociaux, et à introduire des techniques d’optimisation du potentiel ainsi que des premiers secours en santé mentale. L’Écosse, quant à elle, a conçu une formation fondée sur des données probantes, axée sur la réduction de l’usage de la force et la promotion d’une approche relationnelle et sensible aux traumatismes. En Pologne, les programmes s’orientent vers le développement personnel et l’intelligence émotionnelle, en s’appuyant sur des méthodes actives et des outils numériques. La Norvège privilégie une formation managériale fondée sur la confiance, la communication et l’intelligence émotionnelle, afin de favoriser un climat de sécurité et de respect. Enfin, la Suède a instauré un système de mentorat et de soutien psychologique dès l’intégration des nouveaux agents, créant ainsi un environnement d’apprentissage bienveillant et sécurisant.


Atelier : Vers des standards de formation favorisant le bien-être du personnel
L’atelier dédié aux standards de formation a permis de réfléchir aux contenus et aux approches pédagogiques à privilégier pour promouvoir le bien-être du personnel pénitentiaire. Plusieurs axes ont été identifiés :
•    Une approche pédagogique intégrée, combinant des mises en situation pratiques adap-tées aux réalités du terrain et des enseignements théoriques spécifiques, afin de norma-liser la notion de bien-être et de lever les tabous autour de l’expression du mal-être ;
•    La sécurité physique et psychologique, tant dans les établissements de formation que sur le lieu de travail ;
•    Le développement de l’intelligence émotionnelle, comme compétence clé pour mieux gérer les tensions et les relations professionnelles ;
•    Des ressources de soutien, à la fois humaines et financières, disponibles à tous les ni-veaux de l’organisation (horizontalement et verticalement) ;
•    Un système de mentorat fondé sur la confiance, pour accompagner les agents dans leur parcours professionnel ;
•    Un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, que les responsables d’équipe doivent incarner et promouvoir ;
•    La lutte contre les sous-cultures professionnelles qui stigmatisent ou minimisent les problématiques liées au bien-être.


Atelier : les valeurs et compétences pour un leadership efficace
Les participants ont d’abord réfléchi collectivement à la question : qu’est-ce qu’un leadership efficace et comment peut-il promouvoir le bien-être ? Plusieurs qualités ont été identifiées comme essentielles : l’écoute active, l’empathie, la capacité à inspirer confiance, la gestion des conflits, la communication claire, l’intelligence émotionnelle, et la capacité à équilibrer proximité humaine et distance professionnelle. Les participants ont souligné l’importance d’un leadership qui valorise les aspects positifs du travail, qui donne des responsabilités en fonction des capacités, et qui agit avec sincérité. Le leader doit être un modèle, un médiateur, unificateur, et protecteur du personnel, tout en respectant l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Il doit équilibrer les besoins individuels et ceux de l’organisation, naviguer les politiques internes et veiller à une bonne gestion intergénérationnelle.  


Un débat a ensuite été organisé autour de l’affirmation : « Un soutien accru au personnel pénitentiaire risque-t-il de nuire au bon fonctionnement de la prison. » Les arguments contre cette affirmation ont mis en avant que des employés satisfaits sont plus productifs, moins souvent malades, et créent un environnement de travail plus positif. Les arguments en faveur ont soulevé le risque que trop de soutien puisse mener à un relâchement des exigences ou à une surcharge pour les autres collègues.


Le groupe a ensuite été divisé en deux sous-groupes : l’un axé sur les valeurs, l’autre sur les compétences nécessaires à un leadership efficace en matière de bien-être. 


Le sous-groupe « compétences » a discuté de la différence entre efficacité et efficience, et des tensions possibles entre bien-être du personnel et performance institutionnelle. Les compétences identifiées incluent : la gestion de proximité, l’engagement interpersonnel, la capacité de réflexion, le mentorat, l’analyse de données, la gestion intergénérationnelle, et la crédibilité. Il a été souligné que suivre strictement les politiques internes peut parfois aggraver les situations et la question du juste équilibre s’est posée : où tracer la ligne entre respect des règles et adaptation humaine ? Les congés sont une illustration de ce débat : éviter le burn-out par l’octroi de congés tout en évitant d’épuiser les autres membres par un un sous-effectif. Certaines attitudes peuvent veiller au bien-être, tout en garantissant le bon fonctionnement de l’institution (par exemple en cas de retard, rappeler les règles n’empêche pas de s’inquiéter sur les difficultés rencontrées par un agent).  


Le sous-groupe « valeurs » a retenu trois valeurs principales : empathie, communication et intégrité. D’autres valeurs importantes ont été mentionnées : l’écoute active, la connaissance de soi, l’éthique, le renforcement positif, et la création d’un environnement sûr.
Enfin, les deux sous-groupes ont échangé sur la manière de traduire ces compétences et valeurs en contenus de formation. Il a été souligné que la mise en pratique est essentielle, et que les formations devraient inclure des approches pédagogiques entre pairs, de mentorat, et l’inclusion de pratiques internationales. La supervision réflexive a également été identifiée comme un outil clé pour accompagner les leaders en devenir. 


Atelier : perspectives d’innovation en matière de formation  
Plusieurs modalités d’innovation ont été débattues : solutions numériques et en présentiel, le mentorat, les échanges d’expériences ou les formations en extérieur. Les participants ont échangé sur la manière d’innover lorsque l’on est soumis à plusieurs scenarios et conditions : 

  • Avec un budget illimité, ils investiraient dans l’infrastructure pour les agents (logement, garde d’enfants), le recrutement des meilleurs formateurs, des échanges académiques internationaux, des dispositifs supplémentaires de santé mentale, des incitations (financières, promotions) pour attirer et fidéliser les bons profils ; 
  • Sans budget supplémentaire, ils miseraient sur l’accent mis sur l’équilibre professionnel et l’engagement humain, la motivation par la bienveillance (flexibilité et confiance), le mentorat et le tutorat, des activités en dehors du travail, des sensibilisations sur le bien-être ;
  • Remobiliser un groupe démotivé (agents nouveaux/expérimentés) :  mentorat croisé (les jeunes peuvent aussi apprendre aux plus anciens), Clarification des attentes (comprendre pourquoi certains décrochent).


L’idée centrale est que les attentes doivent être comblées à la fin de la formation, et que chacun, quel que soit son niveau d’expérience, peut contribuer à la dynamique collective.


Atelier : pratiques et outils professionnels.
Deux sous-groupes ont exploré les pratiques et outils professionnels visant à renforcer le bien-être du personnel dans les établissements pénitentiaires.
Pratiques humaines et managériales : 

  • Connaître son personnel (approche individualisée et flexibilité) ;
  • La confiance est un pilier essentiel ;
  • Les petites attentions sincères et le sentiment d’être valorisé (« make me feel important ») ;
  • Exercices de cohésion d’équipe, lettres de félicitations et récompenses nationales comme moyens de reconnaissance ;
  • Enquêtes annuelles sur la sécurité psychologique ; 
  • Supervision réflexive, et évaluation des performances pour impliquer activement les agents ;
  • Maintenir une distance professionnelle équitable (pas de traitements préférentiels) ;
  • Leadership bienveillant (montrer sa vulnérabilité, en reconnaissant ses erreurs) ;
  • Activités de détente pour soulager le stress (yoga, sport, culture, etc.).

Outils et dispositifs organisationnels :

  • Outils numériques : plateformes de suivi, calendriers digitaux, planification autonome de la formation continue ;
  • Sensibilisation : études de cas, réalité virtuelle, simulations ;
  • Évaluation du climat organisationnel ;
  • Soutien à l’équilibre vie professionnelle/personnelle ;
  • Stratégies proactives et réactives : formations sur la gestion du stress, la santé mentale, la médiation pour les conflits ;
  • Semaine de la qualité de vie au travail, programmes d’accueil pour les nouveaux arrivants, réunions régulières pour partager les bonnes pratiques ou exprimer les difficultés ;
  • Réunions interprofessionnelles, coaching de groupe, supervision renforcée, accès à des experts, évaluations psychologiques confidentielles, protocoles de détection du harcèlement, mentorat, interventions psychologiques d’urgence, pratiques sensibles aux traumatismes ;
  • Célébrations et rituels de valorisation, pauses bienveillantes, messages de reconnaissance entre collègues, activités de team-building en dehors du cadre professionnel.

Principes d’efficacité et impacts :

  • Les outils doivent être choisis en fonction d’une analyse des besoins (enquêtes, retours) et des ressources disponibles. 
  • Les outils interactifs sont plus efficaces que les approches statiques. 
  • La communication informelle, la supervision sur le terrain et une approche holistique de la formation sont à privilégier.  
  • Un lien clair est établi entre formation et bien-être : elle renforce la confiance, la sécurité, la fidélisation, la montée en compétences et donc le bien-être.

Présentation plénière : l’impact du coaching et de l’écriture créative sur le bien-être
Les universités de Lincoln et Hull ont étudié l’impact du coaching et de l’écriture créative en tant qu’outils de bien-être et de résilience pour le personnel pénitentiaire. Les programmes de coaching, fondés sur une approche non directive, offrent un espace de soutien où les participants témoignent d’effets positifs sur leur développement personnel, leur capacité à surmonter des défis professionnels et personnels, ainsi que sur leur rapport à la culture professionnelle et aux expériences traumatisantes vécues en détention. Ces accompagnements permettent aux agents de développer des stratégies d’adaptation plus saines ; pour certains, ils ont même constitué un tournant décisif ayant contribué à leur maintien dans la profession. Parallèlement, les programmes d’écriture créative ont démontré leur efficacité, notamment à travers des études scientifiques, en renforçant l’estime de soi et la gestion du stress, des émotions et des traumatismes. Par la créativité et l’extériorisation, ces pratiques favorisent une meilleure régulation émotionnelle et une prise de recul bénéfique face aux pressions du métier.


Présentation plénière : Outils pour améliorer le bien-être du personnel pénitentiaire à l’échelle européenne.
Le groupe d’experts d’EuroPris dédié au bien-être du personnel pénitentiaire développe actuellement une série d’outils destinés à renforcer la santé mentale et la qualité de vie au travail des agents. Ces ressources, qui seront rendues publiques d’ici la fin de l’année 2025, incluent des dispositifs d’évaluation stratégique à la fois individuelle et collective, des modules de sensibilisation aux principaux enjeux de la gestion des risques, ainsi que des solutions de soutien en ligne. Conçus pour différents publics, et en particulier pour les responsables d’équipe, ces outils seront adaptables aux contextes nationaux et disponibles dans plusieurs langues, grâce à une traduction intégrée. Les représentants du groupe ont insisté sur la nécessité d’adapter les interventions aux profils et aux situations spécifiques, en combinant une approche proactive et réactive de la gestion des risques.


Prison de Samoranovo
La conférence s’est poursuivie par la visite de la nouvelle prison de Samoranovo. Ce projet financé à hauteur de 21 millions d’euros par la Norvège dans le cadre du mécanisme de financement Norway Grants, comprend à la fois une prison pilote et le nouveau centre de formation pour les agents pénitentiaires. Conçue pour accueillir 400 détenus et 100 personnels, cette prison se distingue par son architecture inspirée du modèle norvégien sans barreaux aux fenêtres. Le site intègre une école, une bibliothèque, une chapelle, des ateliers de travail et une maison de transition pour accompagner les détenus en fin de peine. La Bulgarie compte environ 5000 détenus (pour une population de 7 millions habitants). 


Poursuite des travaux du réseau EPTA
Les activités du réseau EPTA se poursuivront avec des formations transnationales en ligne (sur la gestion des femmes en détention – Pays-Bas) et en présentiel (communication et prévention des violences par la formation pratique – Allemagne). Des perspectives ont également été présentées (étude comparative sur le recrutement, recueil des défis et priorités des écoles, programme d’échanges, questionnaire par les membres pour les membres) mais également des attentes auprès des membres (créer un compte sur le site Internet EuroPris, s’abonner à la newsletter, répondre aux questionnaires, partager ses ressources et évènements, organiser des activités dans son École, etc.).  
La prochaine conférence annuelle EPTA se déroulera en octobre 2026 à Fribourg (Suisse) et devrait porter sur la digitalisation et l’IA dans la formation.  

Photo de groupe des participants de la conférence EPTA 2025
Photo de groupe des participants de la conférence EPTA 2025
Un des ateliers organisés en parallèle lors de la conférence
Un des ateliers organisés en parallèle lors de la conférence
Table-ronde sur les modèles de formation en matière de bien-être
Table-ronde sur les modèles de formation en matière de bien-être
Ecole pénitentiaire de Samoranovo
Ecole pénitentiaire de Samoranovo
Prison de Samoranovo
Prison de Samoranovo