Le 2 octobre 2025, à l’occasion de la Nuit du Droit, le Palais de justice et le cinéma Les Montreurs d’images ont ouvert leurs portes à un large public pour explorer « le droit sous un nouveau jour ». Une soirée portée par une synergie inédite entre l’École nationale d’administration pénitentiaire, le Tribunal judiciaire, la Maison d’arrêt, le Service pénitentiaire d’insertion et probation, ainsi que les deux universités bordelaises.
Un événement fédérateur autour du parcours d’exécution de la peine
La Nuit du Droit 2025 a pris, à Agen, une résonance toute particulière. De 18h à 23h, deux lieux emblématiques de la ville – le Palais de justice et le Cinéma d’art et d’essai Les Montreurs d’images – ont accueilli une soirée rythmée par cinq séquences mêlant échanges, témoignages et réflexions autour du parcours d’exécution de la peine. Un thème ambitieux, au croisement du droit, de la justice, de la culture et de la recherche, qui a mobilisé de nombreux partenaires institutionnels, démontrant la vitalité du travail en réseau entre les acteurs judiciaires, pénitentiaires, culturels et universitaires. L’événement a réuni un public varié – étudiants, lycéens, familles et professionnels du monde judiciaire et pénitentiaire –, témoignant de l’intérêt croissant porté par la société civile aux enjeux du sens de la peine et de la réinsertion.
La justice judiciaire ouvre le dialogue
La première partie de la soirée, au Palais de justice, s’est ouverte sur les interventions de Pierre Sennes, procureur général près la Cour d’appel, Olivier Naboulet, procureur de la République, Charles Moynot, président du Tribunal judiciaire, Céline Maury-Fleury, juge d’application des peines, et David Llamas, bâtonnier de l’ordre des avocats. Tous ont rappelé le sens premier de la peine et la complémentarité entre Justice judiciaire et Administration pénitentiaire, au service d’une exécution des peines à la fois juste, humaine et efficace.
Les métiers de l’administration pénitentiaire à la rencontre du public
Le public a ensuite pu échanger directement avec les professionnels de l’administration pénitentiaire.
Pour l’ENAP, Yvain Steinkevich, ancien premier surveillant et formateur, a notamment évoqué la sécurité dynamique, tandis que Jean-François Alonzo, ancien premier surveillant et formateur en histoire, a rappelé les évolutions historiques du système carcéral. Valérie Cayron, formatrice sur les métiers du greffe, a présenté un domaine professionnel à la croisée du Tribunal judiciaire et de l’Administration pénitentiaire.
Quant à la Maison d’arrêt d’Agen, Nicolas Amouroux, directeur, était accompagné de trois personnels de surveillance, dont un issu des équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) pour témoigner de leur expérience quotidienne en détention.
Le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) du Lot-et-Garonne était représenté par Isabelle Halbiniak, directrice adjointe, Corélia Cattelan, responsable de l’antenne d’Eysses, ainsi qu’une conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation, venues illustrer la diversité des missions d’accompagnement des personnes placées sous main de justice.
Ces échanges ont permis de découvrir la richesse des métiers pénitentiaires et d’aborder des thèmes concrets tels que la sécurité, la gestion de situations de crise et la réinsertion.
La culture pour éclairer le sens de la peine
Le temps culturel, introduit par David Lauréote, sous-directeur de l’insertion et de la probation à la Direction de l’administration pénitentiaire, a offert une respiration artistique avec la compagnie Les Attracteurs Étranges. À travers des extraits de leur pièce en création Et ton cuir pourrait fendre, les trois comédiennes ont donné voix à d’anciennes femmes détenues, explorant les chemins de la réhabilitation et de la reconstruction.
En parallèle, une exposition d’aquarelles de l’artiste-reporteur du Monde Noëlle Herrenschmidt, issues des Carnets de prison acquis par l’ENAP en 2024, a prolongé cette immersion sensible au cœur de la réalité carcérale.
Lorsque la Nuit du Droit rejoint la Nuit de la Recherche
En seconde partie de soirée, La Nuit du Droit a rejoint La Nuit de la Recherche, fruit d’un partenariat avec Cap Sciences, l’Université Bordeaux-Montaigne et l’Université de Bordeaux, qui avaient proposé durant l’après-midi, au Cinéma Les Montreurs d’image, une série d’actions visant à valoriser la jeune recherche, dont le concours « Ma thèse en 180 secondes ».
Avant la projection du film-documentaire Tehachapi de l’artiste JR, plusieurs intervenants ont pris la parole pour introduire la séance : Henri Tandonnet, 1er vice-président de l’Agglomération d’Agen en charge de l’Enseignement supérieur, Paul Mbanzoulou, directeur de la recherche et de la diffusion à l’ENAP, et des représentants de Cap Sciences, de l’Université Bordeaux-Montaigne et de l’Université de Bordeaux.
Le film Tehachapi, à travers la démarche artistique effectuée par JR dans une prison de haute sécurité américaine, souligne que la détention ne saurait se réduire à des mesures purement punitives : elle doit aussi s’ouvrir à un parcours de reconstruction pour la personne détenue, afin de prévenir la récidive. L’art peut constituer l’un des leviers possibles de cette transformation.
La projection a ensuite été suivie d’une table ronde réunissant Virginie Peltier, directrice de l’Institut du droit et de l’économie d’Agen (Université de Bordeaux), Marie Escorne, maître de conférences (spécialiste du Street art) à l’Université Bordeaux-Montaigne, et Sara Di Santo Prada, adjointe au directeur de la recherche et de la diffusion, et cheffe du département des ressources documentaires, historiques et des actions culturelles à l’ÉNAP. Les échanges ont souligné le rôle de l’expression artistique dans la reconstruction et la réhabilitation des personnes détenues, rappelant que la culture, au même titre que l’éducation et le travail, constitue un droit fondamental, inscrit au cœur du Code pénitentiaire, et soutenu par le Protocole Culture-Justice signé pour la première fois en 1986 par Jack Lang et Robert Badinter. C’est pourquoi l’ÉNAP a intégré, dans la formation des personnels pénitentiaires, une mission spécifiquement dédiée à la culture, permettant – notamment grâce à la rencontre avec des artistes – d’engager des réflexions sur des thématiques clés de leur formation initiale et continue.
Un regard nouveau sur le droit et la peine
À travers cette soirée dense et collective, l’édition agenaise de la Nuit du Droit a montré que le droit peut se penser, se vivre et se ressentir autrement. La rencontre entre justice, administration pénitentiaire, recherche et création artistique a permis de croiser les regards et de réaffirmer une conviction partagée : le sens de la peine réside aussi dans la reconstruction de la personne condamnée, rendue possible grâce à l’engagement des acteurs du parcours judiciaire et pénitentiaire, avec le soutien du monde associatif et culturel.