Introduction à la criminologie, De GREEFF, 1946 (2e édition) De Greef définit dans cet ouvrage, paru en 1937 sous le titre “L’approche de la personnalité criminelle”, les conditions qui précèdent le passage à l’acte d’un individu, phase qu’il identifie comme étant l’état dangereux. Pour l’auteur, dangerosité et passage à l’acte sont liés dans le processus criminogène.
La réforme de la relégation, LATIVE, 1943
Pour Lative, la dangerosité s’applique aux délinquants qui « soit par leur genre de vie, soit par leurs antécédents personnels, héréditaires ou judiciaires, soit par la nature de leurs infractions constituent un danger permanent ». En conséquence, ils « doivent faire l’objet de mesures répressives particulièrement déterminées ». 2 groupes sont ainsi visés : ceux dont on redoute qu’ils commettent des délits (vagabonds, souteneurs, bonneteurs, malfaiteurs, alcooliques) et les récidivistes, dangereux à cause de leurs antécédents judiciaires. Selon l’auteur, le danger se caractérise par l’association de la probabilité de perpétuation de nouveaux délits et la grandeur du dommage causé à la paix publique. Quant à la récidive, elle est liée à l’état dangereux par des facteurs intrinsèques (tares, mauvaise éducation, hérédité…) associés aux délinquants. Contre cela, il préconise des mesures de répression et d’internement de sûreté pour les délinquants et asociaux comme en Allemagne où cela se fait (loi de 1933).
Ils vont tenter de déceler les causes héréditaires, constitutionnelles et les facteurs sociaux qui influent sur la formation du caractère et l’affectivité des jeunes. La délinquance juvénile devient une question criminologique à part entière.
Le problème de l’état dangereux, publiées par PINATEL, 1954
Pinatel reprend ici le concept d’état dangereux (synonyme de dangerosité) élaboré par Garofalo au 19e siècle (« La criminologie : étude sur la nature du crime et la théorie de la pénalité », 1890). Il le considère comme la notion de base de la criminologie clinique qui se donne pour but de formuler, après l’observation, un diagnostic sur la dangerosité d’un délinquant, dans le but d’éviter la récidive. Dans l’étude de la personnalité criminelle, Pinatel, après avoir déterminé les conditions du passage à l’acte, a tenté de cerner les indices psychologiques qui composent la personnalité criminelle. Théorie mise à mal par les études de prédiction qui contrediront, dans les décennies suivantes le célèbre criminologue français.
Le crime en France, CHAULOT, SUSINI, 1959
« L’inquiétant visage d’une certaine jeunesse », tel est le constat que les auteurs font à la suite d’actes de vandalisme récents qui « ne laissent plus personne indifférent » (allusion à l’été 1959 : « l’été des blousons noirs » pour la police). Le livre, qui dresse un état du crime en France, insiste sur les délinquants de moins de 18 ans dont les auteurs soulignent la dangerosité en relevant parmi eux certains des traits psychologiques de la personnalité criminelle (Pinatel). Au bilan, pour les auteurs, 70% des criminels sont des déséquilibrés, le reste des asociaux et les délinquants, des malades qu’il faut soigner.
Les blousons noirs, RACINE, SOMERHAUSEN, DEBUYST, 1966
Comprendre ce phénomène apparu sous différentes formes dans le monde et qui n’aura duré que quelques années va constituer un défi et une source de crainte souvent démultipliée par les médias. Les jeunes désœuvrés, constitués en groupe (« Blousons noirs » en France ou en Belgique), se signalent par leur turbulence, voire leur agressivité gratuite envers les passants. L’enquête médico-sociale sur les 27 protagonistes de l’affaire de Midburg (Belgique) menée par Debuyst et ses collègues prouve, en fait, que cette attitude est un aspect contemporain de la délinquance qui trouve ses origines dans les déficiences du milieu familial, les troubles de la personnalité adolescente, le cadre socio-économique, l’échec scolaire et/ou professionnel. En 1966, le phénomène a quasiment disparu mais à Midburg comme ailleurs, c’est le dépassement du seuil de tolérance qui déclencha des poursuites judiciaires et des sanctions pénales. Une réponse bien insuffisante pour les auteurs.
Réponses à la violence, 1977
Dans les années 70, l’augmentation de la délinquance juvénile, accentuée par la crise économique, dévoile une véritable crise sociale d’où surgit un sentiment d’insécurité, « engendré par la peur, l’émotion, l’exaspération et l’angoisse ». En 1977, un sondage repris dans le rapport révèle que 75% des français estiment que les jeunes sont source de violence. Pour y répondre, le gouvernement de l’époque, sous l’égide du Ministre de la justice, Alain Peyrefitte, commande un rapport qui débouche sur 105 recommandations répressives et préventives visant à renforcer l’efficacité des institutions judiciaires.
La défense sociale nouvelle, ANCEL 3e ed. ,1981
Ancel, l’un des pères de la défense sociale nouvelle, rappelle ici les principes fondamentaux de la défense sociale qu’il a établis dès la 1ère édition en 1954: la prévention du crime et le traitement des délinquants dans un cadre exclusivement légal où la justice pénale n’intervient qu’à l’égard de l’individu qui a commis un délit prévu d’avance par la loi dans le respect de la liberté individuelle et des droits de l’homme. Ancel s’inquiète ici des dérives dues à l’interprétation abusive de la montée de la violence et du sentiment d’insécurité qui risque de mener à une politique criminelle de répression indiscriminée (ex : projet de loi « Sécurité et liberté » en France en 1980) et à des mesures de sûreté ante delictum car l’état dangereux peut se manifester avant même la commission d’une infraction. Pour Ancel, en instaurant un régime préventif discrétionnaire ou un droit d’intervention illimité de l’Etat sur le délinquant potentiel, il y a dénaturation de la défense sociale nouvelle. Il prône quant à lui le maintien du principe de légalité.
Dangerosité et justice pénale, Colloque international (22-25 mai 1979), 1981
La question posée en préambule du Colloque international de l’Université catholique de Louvain pour son 50e anniversaire de sa fondation (22-25 mai 1979) par Christian Debuyst (la notion de dangerosité a-t-elle encore un sens ?) montre à quel point cette notion, en criminologie générale, est alors remise en cause, de son étude scientifique à son utilisation comme outil d’intervention politique. Les Actes du colloque font la synthèse des réponses aux questions autour de cette notion polymorphe, multidisciplinaire, fortement controversée et débattue comme le montre ce rapide tour d’horizon de la littérature depuis le 19e siècle.